1. Les statistiques de 2022 (source ministère de l’Intérieur) :
244 300 victimes de violences conjugales : +15% / 2021 ; doublement / 2016
contexte de libération de la parole + amélioration de l’accueil en gendarmerie et police
victimes : 86% des femmes ; mis en cause : 87% des hommes
2/3 : violences physiques (sans ITT : 40% ; avec ITT d’au moins 8 jours :
5% : violences sexuelles (très peu déclarées) mais catégorie de violence déclarée qui augmente le plus (+21%)
30% : violences psy ou verbales
violences physiques criminelles : 1% (féminicides : 118 soit 4 de moins qu’en 2021 (145 homicides conjugaux)
enquête de victimation : 25% des victimes ont rapporté ces faits à la gendarmerie ou police
départements les plus concernés : 93, Réunion, Pas-de-Calais, Nord et Guyane
dimension ultramarine très nette (voir histogramme p 5)
âge : pic vers 30-40 ans ; 75% ont entre 20 et 45 ans
une incertitude : la part des plus de 65 ans, exclue des statistiques par souci de cohérence entre départements aux structures démographiques différentes
2. Actualité de la politique publique de lutte contre les violences conjugales
Le plan interministériel pour l’égalité entre les femmes et les hommes 2023-2027 présenté
en mars 2023 par la Première ministre comporte un volet « lutte contre les violences faites
aux femmes » articulé autour de trois priorités : assurer une protection intégrale et immédiate
des femmes sur l’ensemble du territoire, mieux traiter les violences conjugales et leurs
spécificités, sanctionner les auteurs de violences sexuelles de manière plus effective.
Diverses mesures vont dans le bon sens :
- D’ici à 2024, l’objectif est, pour mieux accompagner les victimes, de doter chaque
département d'une maison des femmes, structure de prise en charge globale des femmes
victimes de tous types de violences, adossée à un centre hospitalier, où les plaintes pourront
être recueillies.
- Il s’agit aussi de déployer un pack nouveau départ pour les femmes qui doivent quitter
leur domicile ou qui préfèrent y rester après l'éviction de l’ex-conjoint. Cet outil a été
généralisé en 2025. Il vise à apporter une réponse cordonnée, rapide et individualisée aux
besoins des victimes (logement, soutien psychologique, garde d’enfants, réinsertion sociale et
professionnelle…)
- Sont aussi prévus : l’instauration d’une ordonnance de protection immédiate dans les 24
heures au bénéfice de la victime de violences conjugales et ses enfants et le renforcement
des permanences des associations d’aide aux victimes au sein des Maisons France Services
et des Bus France Services ; le renforcement des bus itinérants associatifs d’information en
zone rurale va également dans le bon sens.
- Enfin, dans chaque juridiction seront mis en place des pôles spécialisés dans ces violences,
où seront traités de manière transversale les dossiers de violences intrafamiliales sur le plan
civil (affaires familiales, assistance éducative, autorité parentale…) et pénal (pôle
mineur-famille au parquet, audiences correctionnelles) via un dossier unique et des audiences
dédiées. En novembre 2022, 123 tribunaux avaient déjà créé des circuits dédiés aux violences
faites aux femmes, traduisant un mouvement favorable à une meilleure synchronisation de la
chaîne judiciaire dans ce domaine.
Ce point rejoint une proposition de loi adoptée le 1er décembre 2022 par l’Assemblée
nationale à l’initiative d’Aurélien Pradié (LR), qui voulait créer une juridiction spécialisée
dans les violences intrafamiliales, sur le modèle espagnol où la lutte contre les violences a
connu d’importants progrès (baisse du nombre de féminicides de 36% depuis 2003).
Cette proposition de loi a été adoptée contre l’avis du gouvernement, qui objectait la nécessité
d’attendre les conclusions d’un rapport confié par le garde des Sceaux à Mmes Vérien,
sénatrice, et Chandler, députée. Parmi les conclusions de ce rapport, rendu en mai 2023,
figure la généralisation des pôles spécialisés dans les violences (compétence règlementaire),
qui reposeront sur une équipe dédiée, coordonnée par les magistrats du siège et du parquet.
Vu sur le site du ministère de l’égalité : « Des professionnels de proximité (médecins, policiers, gendarmes, associations, etc.) sont formés pour vous accompagner si vous souhaitez vous séparer de votre partenaire. Ils vous informent, vous guident et peuvent vous proposer de bénéficier du Pack nouveau départ. En cas d’accord de votre part, ils se chargent de transmettre votre demande à un référent coordinateur. Ce référent coordinateur vous contacte dans les cinq jours qui suivent, en toute confidentialité, pour évaluer votre situation et identifier vos besoins, afin d’organiser une prise en charge rapide, globale et adaptée. Différents professionnels sont mobilisés pour répondre à vos besoins (CAF, MSA, CPAM, Pôle emploi, bureau d’aide aux victimes, maison de protection des familles, Action logement services, associations, etc.). Le processus d’ouverture de vos droits sociaux est accéléré avec l’activation de toutes les aides nécessaires dans votre vie quotidienne pour un nouveau départ (accès au logement, soutien psychologique, garde d’enfant, etc.). »
Un comité de pilotage au sein de ces pôles garantira le partage d’informations entre les
différents acteurs judiciaires et associatifs saisis d’une même situation et une meilleure
coordination de leurs actions.
Bilan des avancées depuis le Grenelle de 2019 :
Téléphone grave danger (TGD) : +45,7% depuis 2020 (près de 5 000 déployés dont 3 556 attribués)
Bracelet anti-rapprochement (BAR) : 1 000 dispositifs actifs ; 3 634 interventions déclenchées en 2022 (1 046 en 2021)
Ordonnances de protection : +157% depuis 2017 (effective en 6 jours et non plus 47)
Mesures d’éviction du conjoint violent : +205% depuis 2017
11 700 personnes ayant accompli un stage de responsabilisation en 2021 (3 800 en 2019)
3. Actualité législative
La loi du 28 février 2023 créant une aide universelle d’urgence pour les victimes de
violences conjugales, due à une initiative sénatoriale (V. Létard), vise à donner aux victimes
les moyens de fuir un foyer conjugal violent, sous forme de prêt à taux zéro ou de don, dont le
montant, assis sur le forfait du RSA, dépend des ressources de la victime et du nombre
d’enfants. Lorsque l’aide est versée sous forme de prêt, l’auteur des violences peut être
condamné à le rembourser en tant que peine complémentaire.
Pour en bénéficier, la victime doit fournir l’un des justificatifs suivants : ordonnance de
protection, dépôt de plainte, signalement au procureur (document de moins de 12 mois). Le
dépôt d’une main courante ne suffit pas. La demande peut être faite à la CAF ou à la MSA.
La loi du 28 février 2023 prévoit également, tous les 5 ans à partir de juillet 2023, une loi de
programmation pluriannuelle de lutte contre les violences faites aux femmes récapitulant les
objectifs de financement public nécessaires.
En revanche, l’Assemblée nationale a repoussé, en mars 2023, une PPL d’Aurore Bergé
prévoyant l’inéligibilité des auteurs de violences conjugales.
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